BRETAGNE JUDO
 15 Avril 2025 

Au cœur du Judo Breton #1 - David Bizouarn

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David Bizouarn

Au cœur du Judo Breton #1

David Bizouarn


Le judo : une formidable école de vie Venant du Finistère Nord, David Bizouarn, professeur de Judo 6ème Dan, nous offre un agréable moment d’échange autour de la discipline. Particulièrement attaché aux racines du Judo et à sa culture, il s’intéresse aussi à ses différentes expressions, notamment à travers le Jujitsu. Avec passion, il partage son expérience et souligne l’importance de transmettre les valeurs qu'on y retrouve.

Parcours


Q : Peux-tu te présenter en quelques mots ? (Parcours, rôle dans le judo, lien avec la Bretagne)
R : J’ai 54 ans et suis marié à Maryse depuis 27 ans. Père de Matisse et de Lalie (ceintures noires tous les deux), je suis enseignant depuis ma majorité. J’ai toujours eu envie de transmettre mes connaissances et suis très investi dans la vie fédérale (élu au Comité du Finistère de Judo de nombreuses années, jury régional, interrégional et depuis cette saison au national, membre de la commission arbitrage, responsable départemental et régional Jujitsu, vice-président de la Ligue de Bretagne…).


Q : Comment as-tu découvert le judo et qu’est-ce qui t’a attiré ?
R : J’ai coutume de dire que je suis tombé très tôt dans la marmite du judo. En effet, j’ai commencé à pratiquer à l’âge de 4 ans à Saint Pol du Léon alors qu’à l’époque, on débutait généralement autour de 8 ans. Mon père, élève direct de de Maître Michigami et pionnier du Judo en Bretagne était professeur de Judo. J’ai toujours su que je voulais suivre ses pas et que c'était dans le Judo qu'était mon avenir. J’ai grandi dans une culture où l’exigence technique était essentielle : le souci du geste juste, la quête de l’ippon, du beau mouvement, toujours dans le respect de la tradition japonaise.


Q : Comment as-tu vécu le développement du judo en Bretagne ?
R : J'ai été enseignant assez tôt et j'ai pu constater sans cesse le rajout de nouvelles compétitions, de plus en plus tôt dans les âges. Au début il n'y avait de place que pour les meilleurs sur un cursus départemental, régional, interrégional et national, c'était très limité. Aujourd'hui on a une variété de compétitions qui permet à tout le monde de pouvoir s'exprimer et de progresser.

Pratique


Q : Qu'est-ce que tu aimes dans le judo ?
R : Les valeurs. Je porte un grand intérêt à la valeur de l'exemple. Et il y a aussi le goût de l’effort et l'esprit du combat. Le plus important, c'est qu'au Judo, on n'arrête jamais d'apprendre, et ça c'est très plaisant.


Q : Qu'est-ce que tu n'aime pas dans le judo ?
R : Les dérives actuelles de certains encadrants ou parents lors des compétitions. C'est l'une de mes motivations en tant qu'élu à la Ligue. Il faut retrouver une certaine sérénité et garder l'image d'un Judo exemplaire en tant que discipline sportive.


Q : Quelle est ta (ou tes) technique(s) favorite(s) ?
R : Quand j’étais combattant, mon Tokui Waza était Ippon Seoi Nage, couplé bien évidemment avec Ippon-Ko. Sinon j'ai un attrait particulier pour le travail au sol. Quand on prend de l'âge c'est une option agréable, cela permet de limiter les risques de blessures et de pouvoir s’amuser avec les jeunes plus vigoureux. Au final on y retrouve les mêmes principes que dans le travail debout.


Q : Quelle a été ta plus belle expérience dans le judo ?
R : Mon passage de 6ème Dan a été une formidable aventure humaine avec mes partenaires et amis, (Yves Burel, Julien Guerrey, Jérôme Cailliau); elle a duré un an et elle s'est terminée par un succès à l'examen.


Q : Quel impact le judo a-t-il eu sur ta vie personnelle et professionnelle ?
R : Le judo a eu un impact très fort car je suis de nature extrêmement timide. Le Judo a fait de moi ce que je suis aujourd’hui... Une personne équilibrée (je l’espère), heureuse et droite dans ses baskets. En tant qu’enseignant, j’essaie de rendre au Judo ce qu’il m’a apporté. J’essaye de continuer à le faire vivre, le développer et former les jeunes comme les moins jeunes.

Évolution du judo


Q : Comment vois-tu l’évolution du judo en Bretagne ces dernières années ?
R : La Bretagne a cette particularité d’être une région où le Judo est très professionnalisé. L’enseignement y est de grande qualité, avec des enseignants qui se forment régulièrement — même si on peut toujours faire davantage. Le niveau de base est élevé. Au niveau national, les prestations des Bretons pour les hauts grades sont souvent très bien jugées et notées. Il y a un vrai niveau d’exigence ici, qui tire tout le monde vers le haut. Le développement des sportifs de haut niveau reste un vrai défi pour nous. C’est difficile de rivaliser avec les grosses ligues ou les grands clubs. On est une petite ligue, et ça rend la performance au niveau national plus compliquée. Aucun club breton n’est, par exemple, présent en Pro League. Souvent, pour poursuivre leur progression, les athlètes bretons sont contraints de se réorienter vers de gros clubs, notamment en région parisienne. Ce sont des carrières qu’ils n’auraient malheureusement pas pu réaliser s’ils étaient restés en Bretagne.


Q : Et plus généralement son évolution en France et dans le monde ?
R : Je ne suis pas persuadé que le Judo de compétition soit l’avenir de notre discipline. On s’oriente de plus en plus vers une pratique loisir ou tournée vers la santé – ce qui est tout à fait respectable. Il y a de moins en moins de compétiteurs ; la compétition fait moins rêver aujourd’hui. Le développement des activités annexes comme le Jujitsu par exemple, est aussi un excellent moyen de renouveler la pratique.


Q : La promotion du judo semble se faire essentiellement via la forme compétitive de la discipline, que faut il en penser ?
R : Il y a bien sûr le principe de la vitrine, avec des champions comme Teddy Riner, formidable ambassadeur du Judo. Mais ce qui fait vraiment la force de notre discipline, c’est tout ce travail de terrain : le bouche-à-oreille, l’implication des enseignants, l’accompagnement d’enfants parfois en difficulté, et la formation des adultes de demain. Le Judo sort du Dojo, se raconte à la sortie de l’école ou autour d’un repas de famille… C’est là qu’il gagne en visibilité. Et c’est grâce au travail patient et passionné des professeurs et des bénévoles que tout cela est possible.


Q : L'arbitrage au judo semble tiraillé entre le maintien des principes fondamentaux du judo et sa pratique en compétition, que faut il en penser ?
R : Le fait de figer un règlement « Animation » par olympiade est, à mon sens, une bonne chose. En réalité, 90 % des combattants ne participent pas à des compétitions internationales. Les changements incessants des règles d’arbitrage devenaient ingérables, voire décourageants pour beaucoup. Le fait que le règlement dit « Animation » reste stable — ou évolue très peu — permet de donner de la lisibilité, de la cohérence, et surtout de ne pas faire fuir des Judokas. À force de supprimer certaines techniques, on appauvrit le Judo. Les techniques type ramassements de jambes, même s’ils ne sont plus dans les standards de la compétition internationale, font pourtant partie intégrante de la pratique tel que Jigoro Kano l’a voulu. La crainte (politique) était la ressemblance trop importante du Judo avec la Lutte, notamment lors des JO. Au Jujitsu où il y a la possibilité de saisir les jambes, la pratique ne ressemble en rien à une lutte gréco-romaine malgré les saisies sous la ceinture. Il vaudrait mieux adapter que supprimer.

Questions personnalisées


Q : Tu es élu à la ligue de bretagne en tant vice-président à la culture judo, est-ce que la culture judo ce n'est pas un sujet trop souvent mis de côté ou mal compris ?
R : Si. La culture du Judo, c'est de garder l'essence même de l'activité, ses valeurs, son état d'esprit, et surtout ne pas perdre de vue que le Judo signifie « adaptabilité », et que la traduction « voie de la souplesse » doit être comprise comme une souplesse d'esprit et pas juste physique. Jigoro Kano était un intellectuel, il a créé le Judo en tant que méthode d'éducation, et on constate que certains Judokas ont du mal à s'écouter. En France, on a ce très concret code moral qui ne devrait pas juste servir de "code mural". C'est bien d’en parler, de l'expliquer, mais c’est mieux d’en être un représentant actif.

Conclusion


Q : As-tu une anecdote marquante à partager sur ton parcours dans le judo ?
R : Quand d’anciens élèves reviennent vers moi : "Bonjour David. J'ai fait du Judo avec toi quand j'étais petit, tu te souviens ?". C'est plaisant qu'ils viennent me voir (car souvent ils ont énormément changé et je ne les reconnais pas). Je suis heureux qu’ils gardent un excellent souvenir de leurs années Judo.


Q : Quelle serait selon toi, l'objectif de tout judoka ?
R : Faire honneur au grade qu'il porte, montrer l'exemple, être digne des valeurs que le Judo représente.


Q : Si tu devait décrire le judo en une phrase, quelle sera-t-elle ?
R : Une formidable école de vie


Q : Si tu avais un livre à conseiller sur le judo à lire absolument ?
R : "Habiter en Judo" par Yves Cadot


Q : Quelle personne sera la prochaine à être interviewée ?
R : Serge Decosterd, qui a fait beaucoup pour le judo breton. Il m'a fait naître une grande passion pour le Ne Waza et je lui en suis très reconnaissant.



Merci pour votre lecture et à très bientôt !
Interview réalisée par Simon Rebours

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